Le modèle panoptique :
Le Panoptique est un dispositif architectural et mécanique qui permet d’assurer une surveillance permanente des individus tout en restant eux-mêmes invisibles [...] Le dispositif panoptique se compose d’une tour centrale, où se trouve le surveillant, et d’un anneau périphérique divisé en cellules, où se trouvent les détenus. Ces cellules sont éclairées de façon à ce que le surveillant puisse voir tout ce qui s’y passe, mais elles sont disposées de manière à ce que les détenus ne puissent pas se voir entre eux. Ils savent qu’ils peuvent être observés à tout moment, mais ne savent jamais quand ils le sont réellement.
Le Panoptique est une machine à dissocier le couple voir-être vu : dans l’anneau périphérique, on est totalement vu, sans jamais voir ; dans la tour centrale, on voit tout, sans être jamais vu. [...] Ainsi, par sa disposition même, il automatise et désindividualise le pouvoir. Le pouvoir n’a plus besoin d’être incarné dans un individu ou une autorité identifiable ; il s’exerce par la simple structure de l’édifice, qui rend la surveillance continue, efficace et économique. [...] C’est ainsi que le Panoptique devient non seulement un outil de contrôle, mais aussi un modèle général pour l’organisation des institutions modernes (écoles, usines, hôpitaux, casernes).
Michel Foucault, Surveiller et punir 1975
Le biopouvoir :
"Depuis le XVIIe siècle, les technologies du pouvoir se sont progressivement étendues au-delà du simple droit de faire mourir ou de laisser vivre. Une autre technologie de pouvoir s’est développée, qui s’adresse non plus au corps individuel, mais au corps social, à l’espèce elle-même : c’est le biopouvoir. Ce pouvoir s’exerce sur la vie elle-même. [...] Le biopouvoir a deux pôles principaux : d’une part, une discipline centrée sur le corps, qui vise à le rendre plus utile, plus productif ; et d’autre part, une régulation biologique des populations, qui vise à contrôler la natalité, la mortalité, la santé publique, les migrations, etc.
Ce nouveau pouvoir s’articule autour d’une logique différente de celle du pouvoir souverain traditionnel. Là où le souverain pouvait décider de vie ou de mort, le biopouvoir vise à 'faire vivre et laisser mourir'. C’est un pouvoir qui organise la gestion de la vie à l’échelle collective, en intervenant sur les processus biologiques fondamentaux – la naissance, la maladie, la vieillesse, la mort. [...] Cette technologie de pouvoir est essentielle à la naissance des sociétés modernes : elle fonde les États-nations, les politiques de santé, les dispositifs de sécurité, et même les formes contemporaines de gouvernance économique et sociale.
Michel Foucault, Histoire de la sexualité, La volonté de savoir 1976