LA CONSCIENCE 

 

                                                                                                            

            On peut définir la conscience comme : "la connaissance que l’esprit a de lui-même et de ses propres opérations". Cette définition générale indique que la conscience est une forme de savoir  qui permet à une personne d’accéder à ses  pensées et états intérieurs et par là même de mieux  se connaitre.   L’étymologie latine cumscientia (cum = avec ; scientia = savoir) souligne cette idée de connaissance.   

En effet  la  conscience constitue le point de départ de toute connaissance de soi. Toutefois, cette connaissance est indissociable d’une subjectivité : elle est façonnée par notre perception, nos expériences, notre mémoire et nos interprétations.  De là se pose la question de l'objectivité de ce savoir.

Nous pouvons ainsi nous demander si  la conscience nous donne un accès fiable à la vérité sur nous-mêmes ou  si au contraire  elle n’est-elle pas une  source d’illusion. 

 

                                                                                  --------

 I  / Les différents aspects de la conscience :

 

 La conscience est un et indivisible cependant on peut distinguer plusieurs aspects.  

   

A/ La conscience immédiate

 Dans un premier sens, être conscient, c’est être présent à soi et au monde, notamment à travers la perception : être conscient, c’est alors percevoir et se percevoir.

 

Par exemple, on se réveille un matin d'été et on perçoit la lumière du jour ainsi que la chaleur du soleil. On ressent des sensations internes comme la faim  et des pensées nous traversent l'esprit, telles que : "Il faut que je me prépare pour aller au travail." 

À l'inverse, être inconscient, en ce premier sens, c’est par exemple être profondément endormi, se trouver sous anesthésie générale ou dans le coma. Dans ces deux derniers cas, on dit d'une personne qu'elle est inconsciente, qu’elle a perdu conscience puis qu'elle reprend conscience quand elle se réveille. 

 Le passage de l'état conscient à l'état "inconscient -endormi"  se ressent au niveau de la vigilance, de la tonicité des muscles du corps.  En général un stimuli assez fort  (bruit, lumière) nous fait revenir à l'état conscient. 

  

B/ La conscience réfléchie

 Être conscient, ce n’est plus seulement percevoir, mais savoir ce que l’on pense.  

Par exemple, j’écris ce texte et je sais que je suis en train de l’écrire. Vous lisez ces lignes et vous savez que vous êtes en train de les lire. C'est comme si l'on pouvait voir ce que l'on fait, ressent ou pense de l'intérieur.    On parle ici de réflexivité, de retour sur soi.

 

 Le terme pensée chez Descartes renvoie  à l'expérience consciente.   (Pensée = Conscience).  Lorsque Descartes décrit le sujet pensant, il indique les différents états de conscience interne.   

"Qu'est-ce donc que je suis ? Une chose qui pense. Qu'est-ce qu'une chose qui pense ? C'est-à-dire une chose qui doute, qui conçoit, qui affirme, qui nie, qui veut, qui ne veut pas, qui imagine aussi, et qui sent."  Méditations métaphysique  6ème méditation. 

La pensée ou conscience chez Descartes  permet donc de reconnaitre un état intérieur et de le distinguer d’un autre. Par exemple la sensation et l’imagination, la volonté et la conception. 

 

Certes, nous ne réfléchissons pas en permanence à ce que nous faisons ou percevons. Ce que l'on fait par habitude devient un automatisme moins conscient.  Cependant, si quelqu’un nous demande : "Que fais-tu ?" ou "À quoi penses-tu ?", nous sommes généralement capables de répondre sans difficulté. 

 Jean-Paul Sartre, dans L'Être et le Néant, qualifie la conscience immédiate de conscience non-positionnelle (ou non-thétique). Elle est une conscience directe du monde et de soi, sans réflexion explicite sur cette perception. La conscience est alors tournée vers l'extérieur, sans se prendre elle-même pour objet.    La conscience réfléchie est qualifiée par Sartre de  conscience positionnelle (ou thétique). Ici, la conscience se prend elle-même pour objet ; elle est consciente d'elle-même en tant que conscience. Elle "pose" ou "thématise" ses propres états ou actions, permettant une réflexion sur ses propres expériences.   Ces deux aspects de la conscience restent en réalité toujours liés. 

 

C/ La conscience de soi 

 La conscience réfléchie est toujours liée à la conscience de soi : lorsque j’ai conscience que je perçois ou que je pense, j’ai conscience que c’est moi qui perçois ou qui pense.    Pour préciser cette dimension de la conscience, on utilise l'expression conscience de soi, que l'on peut définir comme la représentation qu'un sujet a de lui-même.

Lorsque nous percevons le monde extérieur ou nos pensées, nous nous référons implicitement à nous-mêmes, à un "je".  Ainsi c’est moi qui écris, c’est moi qui perçois, qui ressens ou qui pense. La conscience chez l’Humain  est toujours intimement liée au moi ou encore à un sujet.  (le terme sujet ne signifie par pour autant que nous sommes  forcément  acteur de tout ce qui nous arrive, on peut tout simplement ressentir passivement une émotion mais celle-ci est rattachée à un moi,   un sujet ) .   

 Jean-Paul Sartre emploie le terme "pour-soi" pour qualifier le sujet conscient, en l'opposant aux objets dépourvus de conscience, qu'il appelle "en-soi". Ainsi, le pour-soi représente le mode d'être de la conscience, caractérisé par sa capacité à se réfléchir et à se projeter, tandis que l'en-soi désigne le mode d'être des choses, qui sont simplement ce qu'elles sont, sans conscience ni réflexivité.

 

  D/  La conscience morale

 Les expressions courantes : « avoir bonne ou mauvaise conscience », « avoir la conscience tranquille » ou encore « agir en son âme et conscience » font référence à la conscience morale. Il s’agit d’un jugement intérieur que l’on porte sur soi et sur ses actes. 

 Pour évoquer cette conscience morale, Kant utilise la métaphore d’un « tribunal intérieur » auquel on ne pourrait rien cacher. La conscience morale est ici liée à l’idée de devoir et d’obligation.    Kant , Doctrine de la vertu

 La conscience morale suppose  que l'on ai une conscience réfléchie (je sais ce que je fais) et une conscience de soi (c'est moi qui agit) pour avoir le sens d'une responsabilité.

Cependant l''origine de la conscience morale et sa nature consciente ou inconsciente ont été largement débattues. (voir fiche sur le devoir )

 Pour Freud, la conscience morale est intériorisée dès l'enfance et constitue  une "partie" de l'inconscient qu'il nomme  le Surmoi   (voir Fiche sur l'inconscient).

 

II/ Conscience et identité personnelle 

 

La conscience est au cœur de la constitution de l’identité personnelle, permettant à l’individu de se reconnaître comme un sujet unique et qui reste le même au travers du temps.      Trois concepts unité, unicité et ipséité peuvent  être associés à la conscience.

 

A : La conscience et l’unité du sujet. 

La conscience unifie la diversité des représentations en un moi  ». Elle joue un rôle de synthèse dans l’expérience vécue.

 Kant utilise l’expression « unité synthétique de l’aperception » pour décrire le processus par lequel la conscience relie entre elles les différentes représentations sensibles et conceptuelles. Cette fonction est la condition nécessaire pour que toutes nos représentations soient rapportées à un même sujet pensant. 

 Sans cette unité, notre expérience ne serait pas cohérente et nous ne pourrions pas nous percevoir comme une seule et même personne. 

 

B :   L’unicité est le fait d’être unique et singulier

La conscience joue un rôle important dans le sentiment d’être unique et singulier . Ainsi, même si deux jumeaux sont biologiquement et socialement très proches, ils se distinguent par des éléments psychologiques dont ils peuvent avoir conscience. Ces différences contribuent à la construction de leur identité personnelle.  

 John Locke, dans son Essai sur l'entendement humain   définit l’identité personnelle comme étant fondée sur la conscience.    « Car puisque la conscience accompagne toujours la pensée, et qu’elle est ce qui fait que chacun est soi-même pour soi-même, c’est en elle seule que consiste l’identité personnelle. 

  

C. L’ipséité : la conscience de soi dans la durée

Le concept d’ipséité, issu du latin ipse (« soi-même »), désigne la capacité d’un individu à se reconnaître comme le même à travers le temps.   L’ipséité met l’accent sur la permanence de l’identité malgré les changements.

 Ricœur, dans Soi-même comme un autre, distingue deux formes d’identité :

• L’identité-idem : ce qui reste stable et invariant dans un individu (par exemple, ses caractéristiques biologiques).

• L’identité-ipséité : ce qui relève de la conscience et de la construction du soi dans le temps, en intégrant les expériences vécues et les choix effectués.

 

D/ La critique de la permanence du moi

Selon Hume    nous avons l’illusion d’un moi stable et unifié, mais en réalité, notre esprit est constitué d’un flux incessant de perceptions, de sensations et de pensées.   

 Hume   « Il n’existe pas de moi permanent et identique à lui-même ; ce que nous appelons ‘moi’ n’est qu’un faisceau ou une collection de perceptions différentes qui se succèdent avec une rapidité inconcevable. » Enquête sur l’entendement Humain

 

III / La conscience et la connaissance de soi

La conscience permet de réfléchir sur soi-même et de se poser la question « Qui suis-je ? ». Cette capacité d’introspection (regard tourné vers soi-même) permet à l’Homme de mieux se connaître en explorant sa dimension psychologique et métaphysique. 

 

A/ Lla connaissance psychologique de soi

L’introspection est souvent le procédé utilisé dans l’autobiographie, car elle permet un retour sur soi et une meilleure compréhension de ses choix, de ses goûts et de ses traits de caractère

 Rousseau Dans Les Confessions tente de se raconter avec une totale sincérité. Il cherche à se connaître lui-même, non seulement en évoquant des événements importants mais aussi en analysant ses pensées, ses émotions et ses motivations profondes. 

Cependant, sommes-nous réellement les mieux placés pour nous connaître ? Pouvons-nous être objectif sur nous-mêmes ? Un regard extérieur n’est-il pas également nécessaire ?  

 

B/ La conscience et la dimension métaphysique du moi

Le mot métaphysique désigne ce qui est au-delà du physique, c’est-à-dire ce qui dépasse l’expérience sensible et matérielle.

Se connaître, c’est aussi chercher sa véritable nature. L’Homme est-il un être purement matériel ou possède-t-il une réalité immatérielle, comme une âme ou un esprit indépendant du corps ?  

 

 Descartes soutient que la conscience ne peut se réduire au corps  . Il soutient alors l’existence d’une âme distincte du corps. 

Descartes commence par remettre en question toutes ses connaissances mais lorsqu’il doute de tout, il prend conscience qu’il ne peut pas douter du fait même qu’il doute  or  douter signifie penser et pour penser il faut exister . Il en déduit : « Je pense, donc je suis. » (Discours de la méthode, 1637)

Descartes poursuit sa réflexion en affirmant que :

Le corps est matériel  et que la pensée est immatérielle et ne peut pas être réduite aux mécanismes du corps. 

 Il conclue qu’il existe  un esprit ou une âme indépendante du corps.

Cette position est appelée dualisme (l’Homme = corps + âme). Cette théorie a suscité de nombreux débats philosophiques, notamment avec les matérialistes, qui considèrent que la pensée est le produit du cerveau et qu’aucune âme immatérielle n’existe.

 

C/ Les critiques et remises en cause de la connaissance de soi

 

 Freud soutient que la conscience ne nous donne accès qu’à une partie limitée de notre psychisme.   L’inconscient joue un rôle plus important. Ainsi nous croyons pouvoir nous connaitre alors que des aspects fondamentaux de notre personnalité sont inaccessibles à la conscience.   

 


TESTEZ VOS CONNAISSANCES