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Rappel

Une bonne explication de texte comporte plusieurs éléments : 

Une analyse des idées du texte qui s’appuie sur quelques citations précises.

L’exploitation de connaissance philosophiques qui permettent de comprendre les enjeux du texte, de faire des parallèles ou des oppositions avec d’autres auteurs. 

Un effort de réflexion personnelle sur le texte qui permet d’apporter des éléments de réflexion critique .

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« L’homme est un roseau, le plus faible de la nature, mais c’est un roseau pensant. » Cette célèbre citation de Blaise Pascal , extraite de ses Pensées, met en lumière ce qui, selon lui, distingue fondamentalement l’Homme de l’animal: la pensée et  la raison.  On retrouve ici cette thématique dans la  Préface au Traité du vide, un ouvrage scientifique.   Pascal s’interroge sur la différence entre l’Homme et l’animal. Il soutient l’existence d’une différence radicale, de nature, entre les deux espèces : l’Homme se définit par la raison, faculté qui lui permet de penser et de réfléchir, tandis que l’animal est uniquement guidé par l’instinct qui n'évolue pas. 

L’intérêt philosophique de ce texte réside dans la réflexion qu’il suscite : s’agit-il d’une différence de nature, c’est-à-dire absolue, ou d’une simple différence de degré, marquant des variations progressives ? Par ailleurs, la raison est-elle réellement le critère distinctif essentiel entre l’Homme et l’animal, ou d’autres éléments peuvent-ils être pris en compte ?

Pascal organise sa démonstration en trois étapes. Dans un premier moment (lignes 1 à 6), il expose clairement sa thèse  affirmant qu’il n’est pas légitime de comparer l’Homme à l’animal en raison d’une différence fondamentale entre les deux. Dans un second temps (lignes 6 à 13), il précise que l’animal est entièrement soumis aux lois de la nature contrairement à l’Homme. Enfin, dans la troisième partie (lignes 13 à 18), il présente l’Homme comme un être capable de progrès illimités grâce à sa faculté de raisonner.

 

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               Pascal interpelle son lecteur par une question rhétorique qui cherche à provoquer une réaction : comparer la raison humaine à l’instinct animal serait une forme d’injustice envers la dignité de l’Homme.   Ce serait une erreur voire une faute que de comparer l’Homme et l’animal car leurs différences est bien top grande pour qu’on puisse les comparer. 

 La différence réside, selon l’auteur , dans la dynamique du raisonnement, capable de progrès infinis, alors que l’instinct animal reste figé dans un état immuable.  Pour illustrer son idée il prend l’exemple des ruches des abeilles qui n’ont pas évolué au fil du temps : "Les ruches des abeilles étaient aussi bien mesurées il y a mille ans qu'aujourd'hui."

Ainsi cette affirmation reflète une conception de l’Homme placé au sommet de la hiérarchie des êtres. Cette opposition entre raison humaine et instinct animal fait écho à la théorie de René Descartes, pour qui l’animal est une « machine » dépourvue de raison.   En  effet l’animal  n’a pas besoin de réfléchir, de penser pour agir.  Il est programmé par son instinct en même s’il réalise des choses extrêmement sophistiqué,  il ne sait pas qu’il les réalise parce qu’il n’est pas  conscient de les faire. (comme la toile que tisse l’araignée).

Toutefois, cette opposition radicale entre l’Homme et l’animal peut être remise en cause. Des découvertes scientifiques modernes sur le comportement animal (éthologie) ont montré que certains animaux peuvent faire preuve d’une forme d’intelligence, résoudre des problèmes complexes, utiliser des outils, et même transmettre des connaissances à leurs congénères.  A l’inverse les humains sont loin de toujours bien utiliser leurs raisons et peuvent se laisser emporter par des pulsions qui se rattachent à des instincts de survie. 

Sur quels arguments l’auteur s’appuie t-il ?

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     Pour soutenir sa thèse, Pascal prolonge son analyse et affirme que le rapport de l’Homme à la nature est fondamentalement distinct de celui des animaux. Il explique que le « savoir » des animaux est temporaire, directement lié aux besoins immédiats : "La nature les instruit à mesure que la nécessité les presse." Ce savoir instinctif n’est ni acquis par l’étude ni conservé sur le long terme. L’animal reçoit une sorte de programmation innée qui disparaît lorsque les besoins évoluent.

L’auteur emploie plusieurs métaphores pour illustrer cette idée : la nature est dépeinte comme une mère bienveillante ou une institutrice qui guide les animaux vers des comportements adaptés à leur survie. Cependant, cette influence naturelle est limitée, car la nature impose des règles fixes que les animaux ne peuvent transcender. En revanche, l’Homme, par sa raison et sa capacité de réflexion, peut s’affranchir de ces contraintes naturelles en se fixant ses propres règles, ce qui démontre sa liberté et sa capacité à modifier son environnement. L’Homme est ainsi « produit pour l’infinité ».

Cette idée d’adaptation et d’évolution est reprise par Rousseau avec la notion de perfectibilité, qui définit la spécificité de l’Homme. Pour Rousseau, l’Homme est un être perfectible, c’est-à-dire capable de se transformer au fil du temps, contrairement à l’animal dont l’instinct demeure immuable. Cependant, Rousseau refuse d’opposer strictement l’instinct de l’animal à la raison de l’Homme, préférant voir une continuité entre les deux.

De même des recherches plus récentes en éthologie tendent à nuancer les propos de Pascal. Elles montrent que certains animaux sont capables d’apprentissage social, de mémorisation à long terme et de transmission culturelle au sein de leur espèce. De plus, Pascal adopte une vision anthropomorphique de la nature, en lui prêtant des intentions comme si elle agissait de façon consciente pour réguler le comportement animal.

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Dans une dernière étape, Pascal souligne l’importance de la culture et de la transmission du savoir à travers les générations grâce à l’écriture et à la mémoire collective : "il tire avantage non seulement de sa propre expérience, mais encore de celle de ses prédécesseurs." Cette différence reste fondamentale, car le propre de l’Homme est de passer une grande partie de sa vie à apprendre. Comme le souligne Bernard de Chartres, cité par Pascal : "Nous sommes des nains sur les épaules de géants", une image qui met en avant la capacité humaine à s'appuyer sur le savoir des anciens pour aller plus loin.

Bien que la transmission culturelle soit un atout majeur de l’humanité, elle peut aussi véhiculer des préjugés, des dogmes et des croyances erronées. La culture n’est pas uniquement un vecteur de progrès ; elle peut aussi freiner l’évolution des idées en perpétuant des schémas obsolètes.

                                                                         

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 In fine, Pascal propose dans cet extrait une vision dualiste et hiérarchisée  de l’Homme et l’animal, fondée sur la supériorité de la raison humaine et sa capacité de progrès. Si cette analyse reflète les conceptions de son époque et ses convictions religieuses, elle peut être nuancée par  les découvertes scientifiques modernes sur le comportement animal. Il n’en demeure pas moins que l’Homme a réussi à développer un savoir qui lui permet de dominer sur Terre grâce aux progrès des sciences et des techniques mais est ce bien le fait de sa raison ou le résultat d'un désir de domination qui pourrait sembler déraisonnable ?